Toutes les lumières jonchant ce monde possèdent une part d'ombre. Froide, ténébreuse, elle est souvent indéchiffrable, se cachant derrière ceux qui ne peuvent la cerner. Asmosa la belle, Asmosa la nation des mages. Voilà déjà quelques semaines que je voyage au sein de cette nation dont j'ai entendu parler tant pour sa beauté que pour sa neutralité légendaire. Les vastes forêts, les plaines verdâtres, les décors sont éblouissants mais je n'ai trouvé le courage de me rendre à la capitale, tout du moins pas dans l'immédiat. La haine de ce peuple pour les étrangers est de plus en plus exacerbée, elle se fait ressentir et je ne peux la vivre. Une fois bafoué mais pas une seconde. Ma fierté ne sera plus jamais outré de la sorte. De ce fait, aujourd'hui je rôde à Neveria, la cité gouvernée par une femme dit-on, ouverte d'esprit. Mais voilà, les choses ne sont jamais simples et me voilà perdue.

Le labyrinthe de ruelles a eu raison de moi. Je soupire, puis un second et un troisième se libère, quittant ma bouche non sans agacement. Cela ne peut arriver qu'à moi décidément. Le corps recouvert d'une cape, mon corps est dissimulé, cachant dans le même temps la robe féminine que je porte en dessous. La main droite, elle, se contente de maintenir mon arbalète encore placée à ma ceinture, parée à toutes les éventualités. Je ne suis point naïve, le décor, les gens qui traînent ici ; je ne suis pas tombée dans la partie la plus ragoutante de cette ville connue pour son pain succulent. Un coup d’œil à gauche puis à droite, je ne suis pas à l'aise enfermé dans ce lieu, comme si le ciel me paraissait trop lointain. Celui que je foulais il y a encore quelques années me manque... Hm, cette pensée était de trop. Sans le réaliser voilà que je percute une femme dissimulée. « Oh. Pardon. » Le port de tête reste fière car toujours, à longueur de temps je serais digne pour le meilleur et pour le pire.  

Le choc est léger mais bien présent. Reculant d'un unique pas, mes mains replacent la tenue correctement, retirant la probable saleté non existante d'ailleurs sur les vêtements suite au contact avec cette inconnue. Le port de tête reste fier, de même pour la posture que j'arbore. Sans prendre la peine de perdre plus de temps, mon regard la détaille de haut en bas, tout du moins le peu que je puisses vraiment observer. Ma pauvre Kroman qui voulait passer inaperçue et quitter rapidement cette partie de la Cité, voilà dans quelle situation je me retrouve. Un soupir se fait entendre, signe imposant de mon agacement du moment et d'ailleurs, je ne m'en cache point. Mais dans le malheur, je suis chanceuse. Cette femme semble bienveillante, agréable. Les bras tombant le long de mon corps, j'incline un peu mon menton afin d'accompagner ma future prise de parole. « Non, je vais bien. Un simple geste mal géré. Vous semblez vous aussi ne pas avoir trop souffert. »

Moi aussi je me dois, il faut que je me montre sympathique à mon tour. Le but premier de cette visite est loin d'être le centre de l'attention bien au contraire. D'ailleurs, la femme encapuchonnée a vu clair en moi. Voilà qu'elle me met en garde, qu'elle cherche à m'aider. Un sourcil hissé vers le ciel, je lui réponds sur un ton normal bien que discret de par les passages autour de nous. « Oh. Je fais donc si tâche que cela dans le décor ? Moi qui espérais passer discrètement. Bref, les rumeurs sur Neveria était donc véridiques, cela est fort triste. » Le sourire de mon vis à vis me rend perplexe sur le moment mais je ne le commente point. Pas tout de suite en tous les cas. « Il est rare de voir un quartier comme celui ci plus sécurisé que la place principale. Une raison à tant de haine ? » Après tout, où j'en suis, pourquoi ne pas enquêter ? Etape une, mettre ma rencontre en confiance. « Je ne me suis pas présentée appelez-moi Kroman ma Chère. » 

L'état du monde est bien précaire. Je pensais non sans naïveté qu'une nation prônant la neutralité serait la première à pouvoir arborer une paix et une ouverture d'esprit hors pair. Quelle méprise que voilà. Même ici, même au sein de ce pays les choses sont loin d'être aisées. L'avenir de Meinarest s'annonce tout sauf radieux. Pauvre vie. Le regard que j'use à son égard est neutre bien que je ne la lâche pas une seconde. L'attention fixée sur elle je finis donc par me présenter brièvement tandis qu'elle fait de même. Oui vraiment la même manière de s'annoncer. Aucune de nous deux ne prend la peine d'en dire d'avantage sur sa propre personne. Le doute persiste sur cette rencontre peu commune mais peu m'importe. Tant que je peux avoir quelques informations, je ne compte pas m'en plaindre. Puis je remarque de rapides coups d’œil des passants dans notre direction. Deux femmes en pleine discussion au milieu de cette ruelle sombre ne semble point un événement commun pour la population.

D'un mouvement du menton j'indique donc à la dénommée Rose de débuter une petite promenade ensemble. Cette fâcheuse manie de passer inaperçue au sein des autres pays que le miens me colle à la peau. Un soupir à cette idée. Quelle tristesse que de voir ma personnalité changer autant depuis que j'ai perdu mes ailes. Sur le point de reprendre la parole je m’interromps à la soudaine question de mon vis à vis. Méprise. Voilà que madame souhaite en savoir plus sur ma personne. Surtout rester évasive, je ne suis pas prompte à la naïveté. « Et bien je suis une femme du nord ma chère. » Un peu de vrai mais peu m'importe. La fierté est trop grande pour espérer mentir comme si de rien était. « Mais je ne cerne pas le souci quant à la présence d'étrangers. N'est-ce pas flatteur de voir sa nation appréciée des autres pays ? » En guise d'unique réaction le sourcil se hisse un peu à nouveau. « Asmosa me déçoit. »   

La déception est importante et je ne m'en dissimule point. Je ne suis femme à courber l'échine face à une quelconque vérité. La franchise est une qualité et je peux, sans aucune hésitation me targuer de me pavaner en sa présence. Notre promenade débute au même instant tandis que j'essaie du mieux que je peux de ne pas déverser encore plus mon agacement. Ma camarade ne refuse pas cette marche, de toute évidence. Un pas puis un autre, je ne lâche pas d'un regard en coin cette femme qui ne cesse de m'intriguer. Les secondes puis les minutes passent en sa présence, ne cessant d'accentuer mes interrogations à son égard. J'écoute son explication suite à ma question en échange de laquelle je ne me contente que d'un faible haussement furtif mais bien présent d'épaules. L'esprit des Asmosiens est étriqué, il n'y a rien d'autre à constater, c'est tout.

De près je m'approche du stand d'armes à mon tour. Une unique dague. Aucun commentaire sur l'arme mais elle ne passe pas inaperçue à mon attention pour autant. Elle aime la furtivité, je m'en doutais sans une once de difficulté, son apparence la trahit, ses fréquentations dans ce quartier aussi. Moi, je me contente d'observer mais je ne choisis rien du tout. J'ai confiance en ce que je possède et rien ne me manque. Qui serais-je pour partir en voyage sans un équipement approprié ? Ne pas sous-estimer mon talent. « Pardon ? » dis-je aux dernières phrases de mon vis à vis du moment. Pourquoi cette Rose arbore-t-elle autant de mystère soudainement ? Et ce sourire, pourquoi un tel rictus. Neutre je lui réponds. « Car votre réelle identité serait apte à changer toute la donne quant à ma situation actuelle ? Vous m'intriguez ma Chère mais j'ai bien peur que vous possédiez des épines. » Ma main droite foule ma chevelure. « Je vous écoute bien que je ne vois pas pourquoi vous m'avoueriez l'information. En quoi puis-je être bien utile ? »