au-dessus des carpes #1

Sa chaîne cuivrée se balançait lassivement autour de son cou au rythme de ses pas. Elle crut bon de sortir de son auberge en soirée lorsque le climat se faisait plus clément, pour pouvoir visiter les rues de Chang'an. Un ciel très tacheté recouvrait la cité traditionnelle ce soir-là, pour le plus grand plaisir de Cecil, qui adorait marchait tout en regardant le firmament. Les étoiles étaient merveilleuses, l'activité marchande ne cessait pas même de nuit, un vent doux lui caressait le visage. Bref, la prêtresse se sentait bien, ici, à Chang'an.

Ce fut non sans détermination qu'elle se retrouva sur l'un des nombreux pontons parcourant l'étang des miracles. La faune et la flore avaient revêti leur robe nocturne : de nombreuses espèces phosphorescentes illuminaient les eaux de multiples couleurs, résonnant avec la Voie Lactée. Le sourire aux lèvres, Cecil s'arrêta net au milieu d'un pont, accoudée à la rembarde en bois peint et vernis.

Curieuse comme une enfant et à l'abri des regards, elle se pencha un peu plus en direction de l'eau, observant avec de grands yeux les géantes carpes qui nageaient entre deux nénuphars lumineux. Elle demeura ainsi pendant quelques minutes, fixant les poissons sans en démordre. Elle n'en avait jamais vu d'aussi près.

Elle sentit son cou, sa tête, libérés d'un poids léger. Sa main vint instinctivement vérifier sa poitrine, pour constater avec horreur que son bijou spirituel n'y était plus.

Enfer et damnations. Effarée, elle regarda les fonds aquatiques sans succès, sa perception altérée par la distance et la déformation aqueuse. Vaec soit loué, son châpelet était perché à un roseau.

Il n'y avait plus qu'à espérer qu'un poisson ne le gobât pas. Elle devait faire vite : une fois hissée sur la rembarde, elle passa l'une de ses jambes de l'autre côté pou la chevaucher, s'apprêtant à passer de l'autre côté.

Elle s'apprêtait à passer de l'autre côté de la barrière quand une voix féminine s'éleva dans son dos. Son visage se retourna immédiatement vers la source du son, exprimant une gêne évidente.

« Je ne pense pas que se jeter de ce pont soit la meilleure idée pour mettre fin à ses jours. La chute n'est pas assez grande. »

L’individu qui s'était faufilée dans son dos était une femme de taille moyenne, à la chevelure courte et au teint très clair ; mais pas aussi blanche que celle de la prêtresse. Ses yeux noisettes scintillaient d'un reflet jaunâtre à la lueur des lanternes du pont. Un visage agréable à regarder, se dit Cecil.


« Oh je suis de votre avis. De toute façon, il ne serait pas très plaisant d'en finir avec mon épée restée dans son fourreau, répondit-elle, lui lançant un charmant sourire. »

Le soldat passa de l'autre côté de la barrière, désormais face à l'inconnue, à un niveau moins élevé. S'accoudant à la clôture de bois, elle approcha un peu son visage, lui murmurant dans la confidence :

« A vrai dire, un précieux bijou est tombé un peu plus bas. Si je ne me dépêche pas, il risquera de se faire emporter par un poisson. »

Ses yeux verts d'eau se plantèrent dans les siens, prenant un air quelque peu embarrassé.

« Ne me dénoncez pas : je ne sais pas si ce que j'entreprends est autorisé ou non. »